La France n'a pas fini de subir les effets des journées de mai. C'est tout un équilibre économique, social, politique, psychologique qui a été remis en cause, comme on s'en est aperçu à l'occasion de la crise financière de novembre. De nombreux ouvrages, auxquels il peut paraître vain de prétendre ajouter, ont déjà été consacrés à ces événements. Mais la plupart du temps, ils en sont encore très proches. C'est pourquoi, à moins que leur auteur n'ait délibérément choisi de ne traiter qu'un des aspects d'un phénomène en fin de compte très complexe, ils relèvent davantage de la polémique ou du récit coloré que de l'analyse sereine. Aujourd'hui les mois ont passé. Il est possible d'aborder la révolte du printemps avec plus de sang-froid et de recul, en la replaçant dans un cadre plus vaste et en tenant compte notamment d'un contexte international, tant idéologique que stratégique, trop souvent négligé. C'est à quoi s'est employé André Fontaine. Le titre de son livre met en évidence les frappantes similitudes existant entre cette Guerre civile froide que nous venons de traverser et la guerre froide tout court dont il s'est fait depuis vingt ans le chroniqueur et tout récemment l'historien. Dans un cas comme dans l'autre, en effet, on constate le même recours à l'intimidation, à la dissuasion, les mêmes efforts de certains petits -les « groupuscules » pour mettre en mouvement des « grands » peu soucieux de se risquer à des affrontements ouverts. Il n'est pas jusqu'à l'étude des causes de cette épreuve de force qui ne fasse apparaître l'importance du rôle qu'y ont joué, comme dans la guerre froide, les malentendus, les idées préconçues, les erreurs de calcul, l'évaluation erronée des forces de l'adversaire, l'incapacité de saisir à temps la dimension des mutations en cours et, pour tout dire, la sclérose de la pensée et des appareils. Dans cette bataille comme dans celle de la guerre froide tout court, la victoire est allée au plus fort, au plus imaginatif, à celui qui avait le plus de sang-froid et de psychologie. Mais elle n'a pas fait disparaître les causes de la révolte, bien au contraire, puisqu'elle a semé dans les coeurs des vaincus une amertume dont rien de bon ne peut sortir. Existe-t-il des moyens d'y porter remède? André Fontaine qui croit qu'ils relèvent surtout d'une disponibilité de l'esprit et du coeur, s'efforce de les explorer à la fin de ce livre.