Normalien, germaniste, professeur d'allemand, matelot, puis élève de l'ENA, Roger Fauroux a été tout cela, mais surtout grand patron, directeur de Saint-Gobain, puis grâce à Michel Rocard, ministre de l'industrie, enfin directeur de l'ENA, et aussi maire d'une petite commune de l'Ariège.
Une vie bien remplie, où l'exercice de grandes responsabilités et de pouvoirs divers s'est toujours accompagné d'un sens aigu de l'éthique, professionnelle, politique et individuelle. On apprendra beaucoup au récit de ses expériences. Toute une époque récente défile avec ses personnages (François Mitterand, Alain Minc, Michel Rocard...), décrits avec intelligence, ironie et sympathie. Patron de droit privé, Roger Fauroux connut aussi l'aventure de la nationalisation qu'il dut expliquer à ses filiales américaines ! Ce "mohican capitaliste" peut ainsi faire un éloge paradoxal de l'Etat, après avoir réservé quelques flèches à un patronat français assez conservateur et des actonnaires peu éclairés.
Son expérience directe de la politique est plus amère : si elle nous vaut une savoureuse description du Conseil des Ministres figé sous le regard ou le verbe mitterandien, quelle surprise de constater que le pouvoir soit à ce degré exposé à l'anarchie. Plus sympathique, et non négligeable, lui apparaît le temps passé à la mairie de Saint-Girons...
Souvent familier, humoriste dans le regard qu'il porte sur les choses et les êtres, Roger Fauroux sait également prendre de la hauteur : ses réflexions sur le gouvernement de notre pays et sur le jeu mondial ont le poids d'une véritable expérience et d'un esprit aiguisé. Ses vues sur l'ENA, sur l'éducation prennent la mesure de l'urgence et des enjeux considérables pour maintenir, face aux dérives, l'idéal de citoyens responsables à former.
Un parcours singulier, une vision nullement désenchantée, ni triomphaliste, le regard chaleureux d'un chrétien à la foi tranquille, tout cela confère à ce récit fort bien écrit, un vrai charme : on le lit, on ne le quitte pas.