Comment un souverain autoritaire et dont les agents avaient la poigne rude est-il devenu la figure la plus vénérée de l'histoire de France, le roi dont Voltaire disait qu'il n'était pas possible de pousser la vertu plus loin que lui?
La sincérité d'une vie assujettie aux impératifs de la morale chrétienne, l'esprit d'équité de celui qui proclamait la supériorité du prud'homme sur le béguin et savait concilier le respect de l'éclat de la monarchie avec l'austérité personnelle et, par-dessus tout, la recherche passionnée de la paix ont donné à Saint Louis un prestige déjà fort peu contesté de son vivant.
Il n'en reste pas moins celui qui organisa le Parlement, qui introduisit une nouvelle conception de la monnaie, qui fit entrer les grands barons dans l'exercice du pouvoir royal.
Cette royauté féodale, mais où le recours aux notions du droit romain donne un physionomie nouvelle aux rapports féodaux, Saint Louis l'a mise au service d'une cause qui était celle de toute l'Europe chrétienne: la croisade. Le souci de la Terre sainte l'a amené non seulement à passer six années de son règne outre-mer, mais à prendre conscience de l'importance des problèmes méditerranéens. Et, dans son désir de donner aux établissements latins d'outre-mer des appuis nouveaux, il a ouvert la voie aux relations avec les Mongols, introduisant ainsi une perspective planétaire dans les conceptions politiques du temps.
Jean Richard, professeur à l'université de Dijon, est l'auteur de plusieurs études sur l'orient latin et la féodalité française.