Hannibal a vécu en un temps qui fut déterminant pour la formation du monde antique et pour la destinée des cultures dont nous sommes les héritiers. Lorsque, enfant, il part avec son père, Hamilcar, à la conquête de l'Espagne, Rome n'est encore qu'une puissance italienne au milieu d'une Méditerranée où, du côté de l'Occident, Carthage et sa civilisation équilibrent un hellénisme diffusé dans tout l'Orient par Alexandre et ses épigones. Quand il disparaît en 183, Rome a déjà supplanté en Méditerranée occidentale une Carthage en sursis réduite à son territoire africain, mis la Grèce classique en majeure partie sous protectorat et largement entamé l'héritage oriental d'Alexandre.
Moins d'un demi-siècle d'une histoire dont les acteurs portent des noms parmi les plus grands de l'Antiquité: à Rome, Fabius Maximus, Scipion l'Africain, Caton l'Ancien; en Grèce et en Orient, Philippe de Macédoine, Philopoemen, Antiochus de Syrie. Hannibal les domine par l'éclat et la diversité de ses dons, à la fois homme d'Etat et grand capitaine, stratège génial et tacticien retors, meneur d'hommes hors pair et politique avisé. Héros paradoxal, il ne laissera pourtant qu'une empreinte en creux dans ce monde qu'il a contribué plus que tout autre à façonner.
Ancien membre de l'Ecole française de Rome, professeur à l'université de Grenoble, spécialiste de l'Afrique du Nord dans l'Antiquité, Serge Lancel a dirigé des chantiers de fouilles en Algérie et en Tunisie, et notamment la mission archéologique française qui a opéré à Carthage entre 1974 et 1981 dans le cadre de la campagne internationale patronnée par l'Unesco. Il a publié chez Fayard, en 1992, une grande synthèse sur Carthage.