«C est depuis cette seconde que je t ai aimé. Je sais que les femmes t ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant gâté. Mais crois-moi, personne ne t a aimé aussi fort comme une esclave, comme un chien , avec autant de dévouement que cet être que j étais alors et que pour toi je suis restée. Rien sur la terre ne ressemble à l amour inaperçu d une enfant retirée dans l ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l amour, fait de désir, et, malgré tout, exigeant, d une femme épanouie.»
Un amour total, passionnel, désintéressé, tapi dans l ombre, n attendant rien en retour que de pouvoir le confesser. Une blessure vive, la perte d un enfant, symbole de cet amour que le temps n a su effacer ni entamer. L être aimé objet d une admiration infinie mais lucide. Une déclaration fanatique, fiévreuse, pleine de tendresse et de folie. La voix d une femme qui se meurt doucement, sans s apitoyer sur elle-même, tout entière tournée vers celui qüelle admire plus que tout. La voix d une femme qui s est donnée tout entière à un homme, qui jamais ne l a reconnue.
Avec Lettre d une inconnue, Stefan Zweig pousse plus loin encore l analyse du sentiment amoureux et de ses ravages, en nous offrant un cri déchirant d une profonde humanité. Ici nulle confusion des sentiments : la passion est absolue.